"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE PREMIER.

ceinture 1 ». Les eurent l’honneur d’être traduits en allemand 2 et en italien; ils inspirèrent une page de Corinne', et Charles Nodier, qui en possédait l’un des rares exemplaires, les appela un jour « le tableau le plus piquant et le plus vrai des mœurs les plus originales de l’Europe 3 ». Ce roman aujourd’hui complètement oublié méritait que l’histoire littéraire sinon le public lui fît un meilleur sort. Car, malgré tous ses défauts, le livre des Maniaques ne manque pas, à plus d’un point de vue, d’originalité et d’intérêt. Ajoutons que ce curieux ouvrage est un des premiers romans français où se trouve décrite la vie des nations étrangères, avec le souci de ce qu’on appellera plus tard la couleur locale; il se révèle de plus chez son auteur un profond sentiment de la nature sauvage et des mœurs barbares, ce qui est également rare et exceptionnel en 1788. C’est là, sans cloute, un titre suffisant pour valoir à la comtesse de Rosenberg au moins une mention parmi les précurseurs de l’exotisme romantique. Justine (Giustiniana) Wynne naquit à Venise vers 1735. Son père était anglais et protestant ; sa mère

1 Giornale encyclopedico di Vicenza, 1789 ou 1790. L'article fut traduit en français et publié dans l’Esprit des journaux, juillet 1790, pp. 225-249. 3 Par Samuel Gottlieb Bürde, Breslau, 1790. Cf. une notice de Karl Geiger dans YArchiv fur Literaturgeschichte, Leipzig, 1885, t. XIII, p. 348 et suiv. 3 Charles Nodier, Mélanges tirés d’une petite bibliothèque, Paris, 1829, pp. 187-194. Cf. aussi la note de Nodier, jointe à son exemplaire des Morlaques et publiée par le baron A. Ernouf dans le Bulletin du Bibliophile, juin-juillet 1858, p. 1010 : « Je connais, dit-il, peu de livres plus neufs, plus piquants et plus curieux ; c’est un tableau très vrai des mœurs les plus originales de l’Europe, et j’ose dire qu’il n’existe dans aucune langue un ouvrage aussi complet sur cette matière. »