"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

54

CHAPITRE PREMIER.

ëin en est arrivé à conclure que toutes ces « mystifications » forment une « série ininterrompue » de pastiches « qui servaient toujours de modèle l’un à l’autre » : les Morlaques à Smarra, Smarra à la GuzüD. Pour des raisons qui nous paraissent bonnes et que nous donnons ci-dessous, nous ne croyons pas que Nodier connût les Morlaques au moment où il écrivait ses feuilletons « illyriques » (1813), ni même à l’époque de Jean Sbogar (1818) et de Smarra (1821). Les Morlaques sont un livre très rare et, probablement, Nodier ne les connaissait pas avant 1823, c’est-à-dire au moins deux ans après la publication de Smarra, son dernier ouvrage « esclavon ». Tout d’abord, il est aisé de se rendre compte qu’en 1816, il n’avait pas encore eu les Morlaques entre les mains. 11 fit en effet paraître cette année dans la Biographie universelle un article sur Albert Forlis, où il prétendait que le roman de M me Wynne n’était qu’une « paraphrase un peu étendue d’un chapitre du Viaggio in Dalmazia », ce qui provoqua une maligne rectification de la part de Ant.-Alex. Barbier (dans son Examen critique et complément des Dictionnaires historiqzœs, Paris, 1820, p. 346). Nodier fut piqué au vif, c’était au bibliographe qu’on s’en prenait ! —il répondit finement à Barbier, tout en avouant du reste s’ètre lourdement trompé : il avait jugé le livre sans l’avoir jamais vu 2 . D’autre part, lord Glenbervie, à qui avait appartenu

1 M. ôurcin, op. oit., p. 181. - Mélanges lires d’une petite bibliothèque, pp. 190-191. —Miklosich {op. cit., p. 51) et M. éurCin {op. bit., p. 49), ignorant que cet article de la Biographie universelle était de Nodier lui-même, le citent pour démontrer qu’il y avait des gens qui « ont jugé les Morlaques d’une façon plus juste que ne le fit Nodier dans ses Mélanges » !