"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LA BALLADE DE L’ÉPOUSE D’ASAN-AGA.

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Kad to çula Asan-Aghiniza, Bjelim liçem u zemgliu udarila ; Un pût-se-je s’ dusciom raztavila Od xalosti gledajuch sirota qui signifient : « Quand l’épouse d’Asan-Aga entendit cela, —• de son visage blanc contre terre elle donna, à l’instant rendit l’âme, l’infortunée, de la douleur quelle eut àregarder [ses orphelins], » Fortis, jugeant que le naïf poète illyrien n’avait pas su tirer tout l’effet possible de cette pathétique situation, transforma la dernière et la plus importante ligne : Udillo ; e cadde L’afllitta donna, col pallido vollo La terra percuotendo ; e a un punto istesso Del petto uscille l'anima dolente, G-liorfàni figli suoi partir veggendo-. Cette retouche arbitraire fut reproduite par tous ceux qui, ignorant la langue de l’original, façonnèrent leurs versions sur celle de l’écrivain italien. L’anonyme bernois (1778), comme son prédécesseur allemand (1776), ne soupçonna pas la main de Fortis dans cette calomnie du sentiment filial chez les enfants morlaques. Il traduisit : « Entendant ces paroles, cette affligée veuve pâlit et tombe par terre. Son âme quitte son corps au moment quelle voit partir ses enfans 3 . » Goethe se trompa également : Wie das hôrte die Gemahlin Asans, Stûrzt’ sie bleich den Boden schütternd nieder, Und die Seel’ entfloh dem bangen Busen Als sie ihre Kinder vor sich fliehn sah i .

1 Viaggio in Dalmazia, t. I, p. 104. 2 Idem, p. 105. 3 Voyage en Dalmatie, t. I, p. 149. 4 Goethes Werlce, éd. de Weimar, première partie, t. 11, p. 52.