"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE VIII.

11 ne rentre pas dans le cadre de la présente étude de nous occuper longuement de la deuxième édition de la Guzla, mais il est nécessaire de dire quelques mots de MiloschKobilitch. Nous avons déjà vu que ce poème avait pour auteur un religieux dalmate, André KaciéMiosic et qu’il en existe deux traductions, l’une en italien, par Fortis, l’autre en allemand, par Herder 1 . Il est utile de remarquer M. Matic l’a définitivement établi que la version de Mérimée n’a aucun rapport avec ces deux traductions; elle procède directement de l’original. Faite par un indigène Mérimée n’en était que l’éditeur, elle est de beaucoup supérieure en exactitude à celles de Fortis et de Herder 2 . Dans une note qui accompagnait cette pièce, Mérimée déclarait en être redevable « à l’obligeance de feu M. le comte de Sorgo, qui avait trouvé l’original serbe dans un manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal à Paris » ; il ajoutait que son traducteur (i. e. M. de Sorgo) croyait ce poème écrit par un contemporain de l’événement qui en forme le sujet (1389) 3 . M. Jean Skerlitch a signalé le premier que la ballade de Mérimée n’est autre chose que la traduction d’un poème imprimé de Kaèic 4 ; il croit qu’il y eut comme une sorte de mystification de la part du comte de Sorgo, ou plutôt Sorcoèevic, à présenter Milosch Kobilitch comme une œuvre du xrv e siècle, tandis qu’elle datait en réalité seulement du svin e . Accepter cette thèse, c’est dire que le rusé Ragusain a voulu se venger des railleries que Mérimée avait faites aux dépens de ses compatriotes, en lui faisant croire que le poème qu’il lui

1 Cf. ci-dessus, pp. 27-28. 2 Archiv fur slavische Philologie, t. XXIX. pp. 59-64. 3 Chronique du règne de Charles IX, Paris, 1842, p. 476. 4 Srpski kgnijevni Glasnik du 1" décembre 1901, p. 366.