"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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chassa leurs députés et refusa de les entendre 1 ; mais ce fait n’a pas empêché,, il y a quelques années, un poète serbe de grand talent, M. Jean Doutchitch, de célébrer en beaux vers les splendeurs d’une « soirée à Trianon » donnée en l’honneur de ces mêmes « Esclavons ». Quoi qu’il en soit, avant la fin du xvm 8 siècle, on ne commença pas en France à s'intéresser aux lettres dalmates. La première traduction d’un ouvrage littéraire ragusain fut publiée en 1779. C’était un poème latin, les Éclipses, composé par le newtonien bien connu le P. Boscovich, qui représenta pendant un certain temps son pays auprès du Roi de France 2 . Dans l’épître dédicatoire, l’auteur s’adressait à Louis XVI : Protecteur des nations les plus étendues, ta ne dédaignes pas de veiller sur les états les plus bornés. Des limites étroites resserrent, il est vrai, ceux de ma patrie. Aux bords adriatiques, Raguse ne fleurit que par ses richesses et par l’étendue de son commerce ; sa gloire n’est fondée que sur le génie des sciences et des arts, sur sa noblesse antique et sur les droits éternels de sa liberté. Il est vrai qu’en 1766, M. La Maire, ancien consul de France à Raguse, avait dit quelques mots de la poésie illyrienne, dans un rapport officiel à son gouvernement; mais ce rapport, assez répandu en manuscrits 3 , resta cependant inédit presque jusqu’à nos jours et ne fut publié qu’en 1881 par M. Sime Ljubic, dans les Starine de l’Académie Sud-Slave (tome XIII).

1 Louis de Voïnovich, Louis XIV et Raguse, dans la Revue d’histoire diplomatique, 1907, pp. 57-95. - Les Éclipses, poème en six chants, dédié à SaMajesté parM. l’abbé Boscovich ; traduit en français par M. l’abbé de Barruel, Paris, 1779 ; réimprimé en 1784. 8 II en existe deux copies à Paris, l’une à la Bibliothèque nationale, l’autre aux Archives nationales. Il y en a aussi à Raguse et à Venise, paraît-il.