"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE PREMIER.

Quelques années plus tard, un grand amateur de livres, le marquis de Paulmy d’Argenson, acheta à Venise quelques manuscrits serbo-croates (parmi lesquels le célèbre Osman de Gundulic), pour sa bibliothèque : bibliothèque qui est maintenant celle de l’Arsenal. Il pensait, semble-t-il, en publier la traduction française dans sa fameuse Bibliothèque universelle des romans fondée en 1774 L Il y parlait de «livres composés en langue esclavonne et dans les différents dialectes de cet idiome qui se parlent sur les côtes de la mer Adriatique, opposées à l’ltalie, dans la Croatie, l’Esclavonie proprement dite, la Hongrie, la Bohême, la Moravie, la Silésie, la Lusace, la Pologne et même (sic) la Russie ». Il traitait cette littérature d’« histoires fabuleuses des héros, des conquérants et des premiers souverains de ces pays, où la langue esclavonne est en usage 2 ». Le volume soixante et unième de ses Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, publié en 1787, est consacré exclusivement aux contrées illyriennes 3. Le marquis de Paulmy ne tarda pas à trouver des imitateurs et des plus estimables. Le 3 prairial an IV, la troisième classe de l’institut national adressa une demande au ministre des Relations extérieures, le priant de lui « procurer la jouissance des livres et ouvrages marqués dans la liste relevée par le citoyen du Theil », lequel était chargé d’examiner une notice du consul général de la République à Raguse. Cette.liste compor-

1 Léon Gautier, Les Épopées françaises, t. 11, Paris, 1892, p. 6,79. M. Gotllieb Wüscher, clans son élude Ver Einfluss der englischen Balladenpoesie auf die franzôsische Lilteratur (Zurich, 1891, p. 23), attribue faussement celte collection à J.-B. de la Curne de SaintePal aye. 2 Bibliothèque universelle des romans, mai 1777, p. 6. 3 Manque dans la bibliographie de M. Pétrovitch.