La Révolution française (1789-1815)

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dit que l’évêque d'Udine s’est mal comporté ; si cela est, il faut le faire fusiller… que cela soit fait dans les vingtquatre heures après la réception de ma lettre ; c'est un exemple utile... s'il y a quelque grande famille qui se soit mal comportée, je veux la détruire de fond en comble, pères, frères, cousins, pour qu'elle serve d'exemple (1). »

Cet ordre caractéristique, cité entre mille, concernait l'étranger ; à l'intérieur, Napoléon ne se montra guère plus scrupuleux ; l'extermination et la transportation des républicains, de tous ceux qui, grands ou petits, avaient marqué dans la Révolution et lui restaient attachés, et qui se trouvaient inscrits, de ce chef, dans ce que le tyran appelait « son dictionnaire », dépassèrent en arbitraire et en sans-facon de crime tout ce qu'on en pourrait rapporter (2). Nous rappellerons cependant l'assassinat juridique de Céracchi, Aréna, Topino-Lebrun, etc., et la grande déportation de l'an IX, auxquels, de l'aveu même de Bonaparte, l'affaire du 3 nivôse servit de prétexte : « On n'avait pas de preuves, dit-il cyniquement, que les terroristes fussent les auteurs de l'attentat. On les déportait, non pour le 3 nivôse, mais pour le 2 septembre, le 31 mai, la conspiration de Babeuf. Le dernier événement n'était pas la cause de la mesure, il n’en était que l'occasion (3). »

Faudrait-il chercher bien longtemps pour établir qu'à

1. Correspondance de Napoléon Ier, publiée par ordre de l’'Empereur Napolèon III; Plon, éditeur.

2. Voir, entre autres, dans le tome II de l'Histoire de Napoléon Ier, par P. Lanfrey, les deux mémoires de Lefranc et de Fescourt, seuls survivants de la grande déportation du 4 janvier 1804; et Les déportations du Consulat, par Jean Destrem, petit-fils du glorieux condamné de ce nom; brochure in-8, chez Germer-Baïllière, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1878.

3. Lanfrey, Histoire de Napoléon Ier, t. II, p. 263.