La terreur à Paris

954 LA TERREUR À PARIS

L'administrateur des Madelonnettes, Marino, était un type très curieux et très amusant. Les prisonniers du Luxembourg lui jouèrent un jour une étrange farce : un douzaine d’entre eux occupaient un ancien grenier à foin,

« Comme l'on sut qu'il allait entrer, on ferma la fenêtre ; la plupart se mettent à fumer ; le cuisinier de semaine, un torchon sale devant lui, est chargé de recevoir l'administrateur, qui fait trois pas en arrière, tout saisi par l’odeur combinée du charbon, de la fumée des pipes et des haleines à l'ail; on l’introduit, on offre à ses yeux une méchante table fabriquée à la diable, sur laquelle était une cruche ébréchée, plus une bouteille qui servait de chandelier : il faut sauter à la fenêtre pour ne pas étouffer; il s'embarrasse dans des matelas étendus par terre ; il chancelle, il tombe, on le relève ; on l'invite à prendre sa part des pommes de terre qu’on faisait frire au suif ; il s’attendrit et finit par faire cadeau à la chambrée d’une cuiller en bois, et presque neuve, qui avait écumé le pot du vieux Sillery. Les petits présents entretiennent l'amitié !. »

On avait enfermé aux Madelonnettes à la fois des nobles riches et des citoyens déguenillés de la section de la Montagne (la Terreur nivelait tout). Marino appelle un beau jour un des nobles richards et a avec lui la comique conversation suivante :

— Tiens, mon fils, tu vois ces hommes, ce sont

! Mémoires sur les prisons, t. IL, cité dans Wallon. La Terreur.