Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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à lui que, sous la Terreur, durent leur salut, Hoche, le marquis de Montalembert, l'ingénieur d’Arçon, le général Marescot. En 1837, l’illustre baron de Prony, âgé de quatre-vingt-deux ans, près d'un demi-siècle après l'événement, apprenant que François Arago préparait l'éloge de Carnot, venait le supplier de ne pas oublier de dire que ce grand citoyen lui avait sauvé la vie en 1793.

Il est intéressant de savoir ce qu'un esprit aussi positif et profond pensait de la religion et de la liberté. Pour Napoléon, la première ne fut jamais qu’un moyen de gouvernement et de domination. De la seconde, on sait ce qu'il en fit. Carnot, lui, s'était pénétré du principe religieux au séminaire d'Autun, où il passa une année à l’âge de 15 ans pour y faire sa philosophie, Chose curieuse, la théologie fut, pendant quelque temps, son unique préoccupation. Il serait difficile cependant de noter quel fut l'effet précis de ses méditations, car, à toutes les époques de sa vie, il évita soigneusement, aussi bien au dehors que dans l'intimité du foyer domestique, non seulement les discussions à ce sujet, mais encore les plus simples entretiens relatifs à la religion. Disciple de Rousseau, il pratiqua son déisme naturel. Interrogé par Arago, il lui répondit : « La tolérance universelle, voilà le dogme dont je fais hautement profession. Je pense qu'il y a à peu près compensation entre le bien que fait la religion et le mal que fait l'abus de la religion. J'abhorre le fanatisme, et je crois que le fanatisme de l’irréligion, mis à la mode par les Marat et les père Duchène est le plus funeste de tous. Il ne faut pas tuer les hommes pour les forcer à croire; il ne faut pas les tuer non plus pour les empêcher de croire: compatissons aux faiblesses d'autrui, puisque chacun a