Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

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PIÈCES JUSTIFIGATIVES. — PREMIÈRE PARTIE

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LETTRES ADRESSÉES À BAILLY

Les originaux de ces deux lettres sont déposées aux archives de l'Hôtel de Ville de Paris. Ces deux pièces sont évidemment fausses : le ton du correspondant, le fait constaté que le timbre d'Étampes avait été imité et la signature écrite de deux façons, le témoignent suffisamment. Nousavons extrait ceslettres du travail de M. Dramard, La disette de 1789 à 1792, p. 100.

Ayant recu votre instruction, je me suis transporté hier, 10, dans la nuit, à Étampes ; tout a réussi selon nos désirs : le marché au blé a été bousculé ; les sans-culottes que j'avais fait venir depuis trois semaines ont forcé les fermiers à donner leur blé à dix sous meilleur marché qu’il ne vaut ; il y a eu des pillés et le tout a été dans la plus grande confusion. Nous espérons que samedi prochain il n'y aura pas de blé au marché. On a reçu vos deux lettres ; vous n’aurez point de farine à moins que vous m'envoyez cinq cents hommes en garnison. Je m'en servirai sous main pour eulbuter les meuniers et les marchands de Llé ; ils sont tous des coquins. Mon petit club, dont je suis le maître, me sert au delà de ce que je puis souhaiter ; je n’y ai admis que des meuniers, des marchands de blé et quelques sots de la municipalité ; nous ferons de la ville ce que nous voudrons. Quatre pauvres bêtes d'officiers municipaux vont vous écrire, ne croyez pas un mot de ce qu'ils vous mentionneront, ils n'ont pas le sens commun, aussi je n’ai pas voulu d'eux à Versailles ; jy ai été bien trompé ; je voulais, monsieur, être député, et le tout pour vous servir ; je n’ai pas réussi, dont j’enrage, mais aussi j'ai empêché qu'aucun de mes collègues ne le soit, et aussitôt que je n’aurai rien à craindre, je retournerai dans cette ville pour y mettre tout le désordre possible. Si vous pouviez me faire passer quelques fonds, j'en ai grand besoin, car je suis ruiné, et ce n’est qu'à force d'argent que l’on peut soutenir le rôle des coquins.

Nous allons travailler toute la semaine pour préparer un beau tumulte samedi prochain, nous avons besoin de vos secours pour réussir. J’emploie une main étrangère pour vous écrire et on ne sait pas dans la ville ; je veux que tout le mal arrive sans moi, et pour lors j'arriverai pour avoir l'air de mettre la paix, mais ils seront bien trompés, car je veux les écraser ; toute la municipalité est absente. Je les ai fait électeurs ; j'ai laissé quatre bêtes et c’est bien assez pour une ville qui n’a pas assez d'esprit et de raison pour se conduire,

J'aurai soin de vous faire part de ce qui se passera samedi; j'ai ordonné à mon secrétaire de vous le mander, car je ne serai peut-être pas à Étampes, ne voulant pas paraître, laissant à mes quatre imbéciles de camarades tout l’odieux de la besogne : je crois que c'est agir selon vos vues et remplir vos instructions