Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PIÈCES JUSTIFICATIVES. — DEUXIÈME PARTIE 41

VI

RAPPORT DE LA COMMISSION DES LETTRES DE CACHET

lu à l'Assemblée législative par Rever.

Rapport de la Commission des lettres de cachet sur la pétition de J.-C.-G. Le Prévôt, détenu par lettre de cachet, en diverses prisons, pendant 22 ans, pour avoir voulu révéler un commerce sec et de bleds, connu depuis sous la dénomination de pacte de famine.

Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.

Jean-Charles-Guillaume Le Prévôt étoit employé dans les affaires du ei-devant clergé de France, en qualité de secrétaire général, et il en remplissoit les fonctions depuis quelques années. Cet emploi qui lui procuroit une existence aisée, le mettoil aussi en rapport avec plusieurs familles honnêtes de la Capitale, et bientôt il trouva l’occasion de former une alliance avantageuse.

Il étoit même sur le point de la contracter, lorsque tout à coup, au milieu de la nuit, le 17 novembre 1768 1, parut, à son chevet, Marais, l'inspecteur de police, entouré de satellites, une lettre de cachet à la main, lui montrant des fers et lui annonçant des cachots. Le coup étoit terrible et les circonstances le rendoient affreux. En moins de deux heures, son malheur fut au comble ; ses papiers saisis, ses effets dispersés, sa demeure abandonnée, lui-même, arraché de son lit, traîné à la Bastille, livré, sous les verrous et dans les ténèbres, à l'accablement et au désespoir ! Sans doute il ne devoit pas être encore bien rendu à lui-même, lorsque Le lendemain matin, il vit ouvrir la porte de sa prison et venir à lui un commissaire du Châtelet. C'étoit Mutel, que le lieutenant de police envoyoit pour faire subir au prisonnier l’interrogatoire de coutume et recueillir tout ce qui pourroit ajouter aux motifs de sa détention.

Ils sont aujourd’hui bien connus ces motifs importans, que les hommes de ce temps-là trouvoient utile de tenir si secrets. Ils sont consignés dans le procès-verbal de cet interrogatoire fait par Mutel, et dont la copie, signée de lui, trouvée dansles cartons de la police, a été présentée au comité des lettres de cachet de l'Assemblée constituante ?. Le hasard avoit fait tomber sous la main du sieur Le Prévôt, une copie du fameux traité du commerce des bleds 3.

1. « En conséquence des ordres du roi à moi adressis.., je me suis transporté aujourd'hui. dans une chambre occupée par le sieur Le Prévôt.. et je l'ai conduit au château de la Bastille. » (Lettre de Marais, inspecteur, quartier Montmartre, n° 6, du 17 novembre 1768.)

2. Interrogatoires des 17, 18 et 19 novembre 1768.

3. Ce traité est consigné tout entier dans le premier volume de la Police de Paris dévoilée, page 370. Une note du secrétaire de la Police prouve qu'on avoit déjà dénoncé à M. Séguier les monopoleurs que le sieur Le Prévôt accusoit. et que M. Séguier en avoit donnè connaissance à M. de Sartines.