Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE VII 59

fait depuis le commencement du XVIIIe siècle, grâce aux tâtonnements obscurs de l'atelier, une série de progrès qui méritent d'être signalés. Pendant la disette de 1709, un meunier de Senlis, nommé Pigeaut, avait exploité avec grand profit un procédé conservé dans sa famille : « Vers 1725, un certain Marin alla installer un moulin à Nangis, se mit à ramasser les sons gras dont les boulangers ne savaient que faire, et à revendre une farine qui acquit bientôt de la réputation. Cela n’est pas étonnant: le gruau remoulu donnait précisément ce que nous appelons le pain de gruaw, le plus nutritif et le plus succulent de tous, quand il est sincère et bien travaillé, La fortune faite par Marin donna l'éveil aux concurrents. Pendant un quart de siècle, des gens habiles, se disant marchands de son, se répandirent autour de Paris : ils achetaient les résidus du tamisage des boulangers pour en tirer parti, et comme Messieurs du Parlement commencaient à reconnaître que le grutuin n'est pas un poison très dangereux, la police fermait les yeux sur les contraventions que le nouveau commerce entrainait. — L’éemulation qui s'établit ainsi pour bien dépouiller les sons détermina un progrés essentiel dans la meunerie. Tous les organes du moulin furent remaniés..…. On réussit, grâce aux progrès de la mécanique, à régler la marche et l’écartement des meules. On ajouta au système des engins appelés bluteaux, au moyen desquels on faisait fort imparfaitement alors le tamisage par le même mouvement que la mouture. On commenca par faire entrer en ligne de compte la dépense de temps et de force motrice. Chacun cherchait à conserver à l’état de secret l'amélioration qu'il avait introduite. La fusion des procèdés s'opéra à la longue, et vers 1760 on signalait autour de Paris, surtout à Gorbeil et à Pontoise, cinq ou six moulins dont la praique était un mystère, mais qui faisaient mieux que les autres ‘.» t

1. À. Cochut: Le Pain à Paris. (Revue des Deux Mondes.) 15 août 1863, p. 984. « En France, la vente du pain fut, comme celle du blé, soumise à une certaine réglementation, mais il est à remarquer qu'avant 1789, le principe de la taxe et de la corporation existaient exclusivement à l'égard du pain de luxe. La libre concurrence était admise pour la fabrication du pain de ménage que consommait la masse de la population. Ce fait, qui doit paraître étrange, s'explique peut-être par cette circonstance que le pain de ménage était le plus souvent fabriqué dans l’intérieur de la maison et cuit au four banal. » Louis XIV fit renaître, pour le pain de luxe, la réglementation tombée en désuétude depuis la fin du XVIme siècle, — « La boulan gerie s> trouvait, lors de la révolution de 1789, soumise à une réglementation étroite, et cependant cette réglementation était moins excessive qu’elle ne le fut plus tard, en plein XIXe siècle, au temps où fut créée, en 1853, la caisse de boulangerie, de douloureuse mémoire. » (Emion, La taxe du pain, 10-12.)