Le système continental et la Suisse 1803-1813

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par la masse du public qui se refuse à croire au caractère définitif des mesures prises par la France contre son alliée; l’autre, formé d’une minorité plus perspicace recrutée dans les cercles industriels, a entrevu la redoutable vérité. Les premiers attribuent les procédés de Napoléon à des raisons exclusivement fiscales, au désir de protéger momentanément l’industrie française et avant tout, à la volonté de mettre fin à la contrebande des produits manufacturés anglais sous le couvert des marchandises suisses. Ils rejettent toute la responsabilité sur les spéculateurs et les trafiquants de produits britanniques qui, non contents de compromettre leur pays auprès de la France par leur avidité ne craignent pas de faire à l’industrie indigène une concurrence honteuse. Ils demandent à cors et à cris contre la contrebande une action énergique et radicale, seul moyen de salut; les prohibitions prendront fin avec la fraude.

D'ailleurs, affirment-ils encore, la France a par la force des choses intérêt à rapporter ces mesures le plus vite possible, puisqu'elle n’est pas en état de se suffire à elle-même et qu’elle ne possède ni le nombre de rouets, ni celui de métiers à tisser nécessaires à ses besoins. « Tout cela, s’écrient-ils, ce n’est pas le coup de baguette magique d’une loi, qui le créera.» Reprenant enfin l’argument tant de fois invoqué par les documents officiels, ils déclarent que toute atteinte portée à la Suisse ne profitera qu’à l’Angleterre, ce que la France ne peut tarder à comprendre.

Les Suisses doivent donc prendre leur mal en patience. Le meilleur remède sera l’entente parfaite du gouvernement

? Voir entre autres à ce sujet les considérations dn Mémorial de Winterthour ; puis dans les Gem. Schw. Nachr. Varticle : «Etwas über Schweizerische Industrie » et dans le Zrzähler celui intitulé : « Brief eines Engländers. » Ce dernier ne manque pas d'originalité. L’auteur fait passer ses dées par la bouche d’un soi-disant Anglais qui se félicite des nombreux avantages que la Grande-Bretagne va retirer de la politique suivie par la France envers la Suisse.

Gem. Schw. Nachr., avril-mai 1806,