Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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atteint le prix exorbitant de quarante-cinq francs la livre (1).

Cette soif ardente de plaisirs eut aussi comme conséquence le retour du goût accentué pour la comédie bourgeoise, que nous avons signalé au début de cet ouvrage.

À ce moment, les théâtres de société ressuscitèrent avec une nouvelle fureur; on en comptait plus de deux cents dans tous les quartiers de la capitale et dans toutes les classes sociales (2).

Une seule catégorie de personnes avait su tirer parti des malheurs publics et de la détresse financière, c'étaient ceux qui, prévoyant le discrédit du papier monnaie, l'avaient employé, au début, en achat de marchandises, puis, par le jeu de la hausse et de la baisse, avaient ainsi accaparé presque toutes les monnaies d’or et d’argent. .

Très fiers de leurs richesses si rapidement acquises, ils avaient obtenu les fournitures des divers services ; c'était l’ère brillante des munitionnaires.

Au milieu de misères sans nombre, ils donnaient le spectacle de scandaleuses prodigalités, et leurs femmes, pour la plupart subitement élevées ainsi à l’opulence et à un rang social pour lequel elles n'étaient point faites, prêtaient singulièrement au ridicule (3).

(1) Journal de France, pluviôse, an II.

(2) Voir les curieux détails donnés par Brazier. (Chronique des petits théâtres.) 1h

(3) Margot était jadis à la cuisine, et, sans ses bracelets et ses bagues, ses doigts barbotaient l’eau de vaisselle; Gertrude, sans éventails, battait les habits, et Lisette faisait le lit où elle couche aujourd’hui! — Créatures fortunées! qu'on connut à-la Courtille et qu’on rencontre à l'Opéra, surprises par leur richesse et par leur avènement! Etourdies de luxe! dépaysées dans la soie, soudain endimanchées pour toute la semaine! Maîtresses de maison toutes neuves! Elles ont beau se débarbouiller, se décrasser, se gréciser : marchent-elles, elles se

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