Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

324 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

L'un s'efforce à tromper, l’autre cherche à séduire, Et chacun à son tour est colombe et vampire.

Les yeux sont fatigués d’un contraste effrayant.

Ici c’est l'abondance et là le dénüment.

Le luxe monstrueux de la riche indécence

Brille près des haïllons de l’honnèête indigence. Les chants de volupté se mêlent aux sanglots, Vénus a ses boudoirs à côté des tombéaux;

Le brillant sybarite a cent plats sur sa table,

A sa porte, de faim expire un misérable,

L'auteur avait personnifié ces tripoteurs éhontés dans deux personnages : Crusophile, spéculateur à la hausse et le perruquier Boucliac, trafiquant universel. CRUSOPHILE.

Je ne vous connais pas pour faire le commerce.

BOUCLIAC.

Fi donc! c’est un métier que tout le monde exerce, On trouve du café chez plus d’un chapelier; Voulez-vous des chapeaux? Allez chez l’épicier, J'achetai mes souliers chez mon apothicaire,

Et mon voisin, qui fut autrefois avocat,

Tient du poivre et du suif, du sucre et du tabac; Et moi, qui fais aussi des affaires en ville, Devinez qui je suis! je vous le donne en mille.

CRUSOPHILE. Que m'importe, après tout?

BOUCLIAC.

Boucliac est mon nom. Je suis, ne vous déplaise, honnête homme et Gascon. Je faisais autrefois la barbe à toutle monde, Et j'étais dans cet art d’une adresse profonde. Les gains étaient petits; je fais double métier, : J'exerce le négoce, et je suis perruquier; Et de ces deux états l’un n'empêche pas l’autre.