Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma
PÉRIODE THERMIDORIENNE. — DIRECTOIRE 319
ingénieux, philosophe aimable; l’autre plein de verve comique, peintre fidèle et fécond des mœurs bourgeoises, et qui, par cela même, plaît à la multitude, et vivra longtemps dans la postérité.
« À côté de ces trois amis, paraissaient Desfaucherets, auteur du Mariage secret; Vigée, poète érotique et brillant, qui n’eut avec Thalie qu’une seule entrevue; et Alexandre Duval, dont les premières productions annonçaient un maître habile en charpente dramatique ; et qui, depuis trente ans, n’a pas cessé de fournir la plus riche et la plus honorable carrière...
« Enfin, à ces favoris de Thalie se joignaient ceux que sa sœur désignait comme les plus dignes soutiens. Le premier était le vénérable Ducis, beau sexagénaire portant sur sa figure cette expression d'âme qu’on admirait dans sa sérénité, véritable patriarche de la littérature française, dont il ne fit jamais que la plus noble et la plus indépendante profession...
« Après Ducis, arrivait Joseph Chénier, à la figure prononcée, aux sourcils nébuleux, aux manières brusques, au ton despotique et tranchant ; mais cachant, sous des dehors fâcheux, une grande élévation d'âme, une profonde mélancolie, fruit des imputations calomnieuses dont il avait été frappé. Ce fut à cette époque qu’il fit paraître son épître sur la calomnie, où l’on remarque un admirable mélange de virulente satire et de profonde sensibilité...
« Parlons, pour nous rafraîchir les idées, d’un jeune auteur qui tenait un haut rang dans l'empire de Melpomène, et dont l’heureux caractère semblait être en harmonie avec les élans de son imagination; donnons à Legouvé la place qui lui appartient. Je laisse à d’autres le droit d'analyser la Mort d’Abel, Epicharis et Néron, Quintus Fabius, Etéocle et Po—lynice, la mort d'Henry IV, je ne m'occupe, moi, que de ce qui m’a le plus délicieusement touché l’âme :
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