Les fêtes et les chants de la révolution française
6 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
Qu'allaient devenir ces artistes, fort peu soldats sans doute, et que peut-être les espérances en la constitution future n'intéressaient pas beaucoup, quand ils se trouvèrent tout d’un coup séparés du corps qui leur assurait l'existence? Car on devine qu'en instituant hâtivement la garde nationale on n'avait point du tout songé à la musique! N’allaient-ils pas être oubliés?
C'est dans les époques troublées qu'il faut appliquer le plus résolument le précepte : « Aïde-toi, le ciel t'aidera », — le ciel, c'est-à-dire l'État tutélaire. Les quarante-cinq musiciens des gardes françaises que la prise de la Bastille avait jetés sur le pavé n’attendirent pas que cette tutelle vint s'étendre bénévolement sur eux : dans leur abandon, ils se mirent à marcher à l'aventure. Formant comme une petite république musicale, ils se rallièrent autour d'un jeune homme qui, sans doute, était déjà connu de la plupart d’entre eux, car il était lui-même attaché au dépôt des gardes françaises, en la modeste qualité de commis d’administration : il se nommait Bernard Sarrelte. C'était un de ces « débrouillards » (le mot n’est pas académique, mais il dit bien ce qu'il faut) comme il s’en trouve nécessairement aux époques de renouvellement de la société, alors qu'il faut refaire sur-le-champ ce qui vient d’être détruil, adroits à profiter de l’occasion pour faire leur fortune, et, par surcroît, quelquefois assez heureux pour laisser après eux des fondations durables.
Sarrette n'était pas musicien; mais il avait l’expérience administrative et l'aptitude à organiser nécessaires pour gouverner ce petit personnel d'artistes qui lui avaient confié leur sort : il sut les conduire vers un but qu'aucun d'eux, ni lui-même sans doute, n’entrevoyait encore; les circonstances, favorisant la continuité de