Les fêtes et les chants de la révolution française
LA FÊTE DE LA FÉDÉRATION. 28
Nous devons donc conclure que les deux vers en question, avec le refrain, plus primitif encore, appliqués à la première reprise de la mélodie de Bécourt, constituent tout le Ça ira, le vrai Ça ira populaire. Et ce n'est ni Ladré, ni aucun des rimailleurs qui, en même temps que lui, voulurent profiter de la vogue de l'air et du refrain pour y ajouter leurs paroles, qui a droit au titre d'auteur du Ça ira. Le Ca ira est de tout le monde.
Au reste (il faut insister sur ce point dans un ouvrage qui est surtout une étude musicale), le Ça ira, avec ses paroles multiples et fugitives, n’est pas à proprement parler une chanson : c’est un air, un air essentiellement instrumental. Sa contexture mélodique, ses notes rapides, ses reprises en des tonalités diverses, surtout l'étendue de son intonation, le rendent à proprement parler inchantable. Cette intonation n’embrasse pas moins de deux octaves et une tierce majeure : quelle voix, si ce n’est celle du virtuose le plus exercé, pourrait faire entendre un tel chant dans un mouvement convenable? C’est là une des raisons qui permettent d'affirmer que les couplets de Ladré, si maladroitement adaptés à l'air entier, n’ont jamais été chantés par le peuple, et que celui-ci n’a jamais connu, en tant que chanson à son usage, que la première reprise : il la déforma d’ailleurs à cœur joie.
Par contre, l'air convient parfaitement aux instruments tels que les violons, pour lesquels il fut écrit, ou les instruments militaires, clarinettes, flûtes, auxquels il fut adapté dès la première heure. Il était joué sous cette forme instrumentale pendant les préparatifs mêmes de la fète du Champ de Mars. « Les corporations d’ouvriers de la capitale élaient précédées de musique ou de tambour », dit le Moniteur du 11 juillet; d’autres journaux, cités ailleurs, la Chronique de Paris, le Cour-