Les hommes de la Révolution

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rait-il possible que cette société subsistât, et même, que les moyens de suivre une répartition absolument égale fussent praticables ? »

Déjà, on le voit par la question posée, Babeuf jeune, inconnu, et à la veille de la tourmente révolutionnaire, est hanté par le rêve égalitaire qui le mènera à l’échafaud. Il n’a attendu, quoi qu’en ait pu prétendre, ni Robespierre, ni Saint-Just pour songer au bonheur du peuple par le moyen du communisme. Dans l’homme de lettres aimable qui traite avec esprit et légèreté les sujets littéraires, s'élabore le futur conspirateur.

Dubois de Fosseux, très embarrassé, se garda bien de répondre. Il s’en tira par d’autres questions. Cependant il lui signale un ouvrage : Changement du monde entier où il s’agit de réformer entièrement la société. Babeuf y puisa sans doute des idées (1).

Tout en correspondant avec l’opiniâtre Dubois de Fosseux; Babeuf s'occupait de faire vivre sa famille. Plusieurs travaux le sollicitaient. Le 4 mai 1787, il annonça son départ pour la capitale où il doit s'occuper de recherches sur un instrument qu'il appelle le Graphomètre-trigonométrique, avec un certain Audiffret. La même année, il prépare un Précis sur le Cadastre avec le même Audiffret. Il n’a que peu de temps pour répondre au terrible épistolier Dubois de Fosseux qui lui adresse lettre sur lettre. Bientôt même il ne répondra plus et,

(1) Il écrit: « Il me semble que notre réformateur fait plus que le citoyen de Genève, que j'ai oui traiter quelquefois de rêveur, Il rêvait bien à la vérité, mais notre homme rêve mieux, »