Les pamphlets de Marat

DÉNONCIATION CONTRE NECKER 183

n'a-t-elle pas bien justifié ces alarmes? Ce qu’on peut dire de plus honnête pour le disculper, c’est qu'il craignait de perdre sa place. Il a donc sacrifié à sa gloriole, à son ambition, à sa soif de commander, le salut de la capitale, le salut des provinces, le salut du royaume. Comment! des flots de sang, le pillage des maisons, les malheurs, les calamités, les désastres, qui accompagnent le sac d’une ville immense, lui ont paru trop peu de chose pour les prévenir par le sacrifice de son amour-propre ? Et c'est là ce père du peuple! ce bienfaiteur de l'humanité! ce sauveur de la France! dont la nation pleurait la perte, et dont elle a redemandé à grands cris le retour?

Poussons les choses au plus loin. Si, redoutant les dangers qu'il y aurait à révéler ces horribles mystères, du moins la confiance que la nation avait en lui, l'humanité, le sentiment, l'honneur, lui faisaient-ils un devoir de quitter sa place, et de dévoiler la trame odieuse, dans une lettre qu’il aurait laissée à un ami de confiance, pour être présentée aux États-Généraux, dès qu’il se serait mis en süreté. Taire une conspiration que le devoir oblige de révéler, c’est s’en rendre complice. Il ne l’a pas dévoilée. Qu'en conclure? que la nation doit le punir comme un traître, ou lerenvoyer comme un imbécile. Il peut opter.

Imbécile! ah! plût au ciel qu’il l’eût été! nous ne gémirions pas depuis si longtemps sous le poids de nos maux.

SECOND CHEF D INCULPATION

L’approvisionnement de la capitale et des autres grandes villes du royaume était confié aux intendants des provinces, et à une compagnie ministérielle d'accapareurs:, lors du rappel de M. Necker au ministère, en 1788. On prétendait

1. Voyez les mémoires pour les boulangers, par le chevalier Rutleige. (Note de Marat)