Les pamphlets de Marat

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84 | LES PAMPALETS DE MARAT

que l’avidité des monopoleurs, l’incurie du gouvernement! sur l'exportation immodérée des grains, et la médiocrité de la dernière récolte, menaçaient d’une disette prochaine : le directeur général des finances ne négligea rien pour accréditer ces bruits alarmants. Un orage affreux avait dévasté quelques cantons; mais quoiqu'il n’eût frappé que soixante et quelques lieues carrées, sur trente mille que contient la surface du royaume, le ministre s'empressa de publier, « qu’une grèle désastreuse ayant ravagé une vaste étendue de terrain, il manquait peut-être la juste quantité nécessaire de grains pour entretenir le pain dans la juste mesure qui serait désirable, et que S. M. ne pourrait garantir que le prix de cette denrée ne fût constamment cher cette année?. » Après être parvenu à répandre l'alarme sur les craintes d’une famine prochaine, bientôt il chercha à en tirer parti. Cependant il annonça des ordres pour faire venir des grains de tous côtés, et des primes pour encourager l'importation. Soit friponnerie de ses agents, soit friponnerie des marchands étrangers, il ne nous arriva que des grains avariés et des farines gâtées. Il prétendait les avoir achetées à très haut prix, et il eut l’art de ne pas tarir sur les tendres soins, les généreux sacrifices du monarque, pour pourvoir à la subsistance de son peuple; comme si ces soins n'étaient pas le premier des devoirs du gouvernement; comme si le gouvernement avait quelque chose en propre. Mais ces maximes d'État n'étaient pas encore reçues.

1, Je serais bien curieux de voir les preuves que l’on donne de cette exportation immodérée des grains : je crains fort que le bruit n’en ait été répandu à dessein de favoriser le plan d’accaparement du ministre. Il faut bien qu'il y ait eu à ce sujet un odieux tripotage, car on a soupconné, sur des apparences très fortes, que les primes étaient touchées plusieurs fois par les agents ministériels, et pour la même cargaison, qui était successivement présentée dans différents ports. (Note de Marat)

. Voyez son arrêt du Conseil du 21 nov. 1788. (Nofe de Marat)