Les serviteurs de la démocratie
RABELAIS 13
IV
Rabelais a été un précurseur de M. Legouvé, il s’est préoccupé, bien avant le spirituel académicien, de l’art de la lecture et de la diction. Il voulait que le héros de son livre Pantagruel fût habile à bien dire, à bien lire, à bien réciter.
Ce Tourangeau de génie avait également pressenti limportance de ce que dans nos écoles contemporaines on appelle, je crois, la leçon de choses. Il la voulait récréante et demandait qu'on apprit aux enfants: « à deviser joyeusement de la vertu, propriété de nature, de tout ce qui leur était servi à table, du pain, du vin, de l'eau... (ce dernier mot rarement employé par Rabelais se trouve dans le texte), du sel, des viandes, poissons, fruits, herbes, racines. » C’est la leçon de choses d’un bon vivant à table. Avec Rabelais il faut toujours s’attendre à voir paraître les victuailles et ce qui les assaisonne. Si Rabelais était compatissant pour les écoliers, il fut impitoyable envers les professeurs de jurisprudence: déjà il demandait la réforme de la magistrature. Avec quelle finesse il s’est moqué des magistrats de son temps ! C’est à lui que la littérature française doit ces types immortels de Grippeminaud. le juge inique, et de Bridoison l’homme de la füérme. Ne va-t-il pas, cet irrévérencieux railleur, jusqu'à prétendre que les sentences rendues par le hasard, et grâce aux dés, sont plus équitables que les sentences rédigées dans le pré-
toire d’après les principes du droit à la mode.
L’intolérance plus que tout autre vice a le don d’exciter la verve du grand satirique. IL a eu ce mérite