Les serviteurs de la démocratie
268 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE
Révolution ». Enfin, hier encore, un orateur de haut vol, un patriote et un patriarche, que la démocratie française salue comme un de ses chefs vénérés, Madier de Montjau, portait le jugement suivant : « Michel de Bourges à atteint les plus hauts sommets de l’éloquencc. »
Après ces témoignages éclatants, qui oserait se permettre de nier le génie oratoire du tribun regretté ? Ce ne sera pas nous, assurément. Nous nous souvenons encore de ses triomphes devant la haute cour de Versailles. Il s’agissait de l’affaire du 13-juin au Conservatoire des Arts et Métiers. Ledru-Rollin, Maigne, Considérant, Martin-Bernard, Deville, Fargin-Fayolle, Langlois, Delescluze, c’est-à-dire l'élite du parti républicain était aux bancs des accusés. Ce jour-là, Michel de Bourges remplit d’une façon incomparable son rôle de défenseur. Il prit la parole pour récuser la compétence du jury. Dès ses premiers mots, il s’empara de l'auditoire. Son éloquence fut telle, qu'il arracha des marques d'admiration à ceux-là même dont il n’admettait pas la compétence ! Les hommes qui ont suivi ces débats n'oublicront jamais la magnifique plaidoirie de Michel de Bourges. Elle est restée un modèle du genre dans les annales du barreau, et Berryer en recommandait la lecture aux jeunes avocats Stagiaires qui venaient lui demander des conseils.
Ajoutons en terminant que chez Michel de Bourges le tribun cachait un poète; il l'était à ses heures. Ceux qui ont eu la bonne fortune de vivre de son intimité se souviennent qu'il unissait dans la causerie familière, la grâce de l'esprit français à la vivacité de l’imagination méridionale. Ce puissant dialecticien dont on redoutait tant les coups de boutoir avait parfois des délicatesses féminines, Un soir qu’il parlait à Nohant