Les serviteurs de la démocratie
MICHEL DE BOURGES 269
des enfants pauvres abandonnés, tous les invités quittèrent successivement le salon pour dissimuler leur attendrissement. Malgré ses efforls, madame George Sand y fut aussi de sa larme; mais elle crut s’en tirer plus vaillamment que nous parce que, restée seule auprès de sa lampe, elle la baissa tout à coup sous prétexte de la ranimer et puis, remise de son émotion, la maitresse du logis attendit notre rentrée à tous et dit négligemment : « Ah! ce Michel! quel charmeur ! Sa parole est une musique pleine d'idées. » Expression juste qui résume en peu de mots ce qu'était le tribun dans l'intimité.
Ce tribun, ce poète, ce musicien d'idées mourut comme il devait mourir — en spiritualiste. Ses dernières paroles furent celles-ci : « Mon Dieu recevez mon âme! Je ne sais d’où je viens, où je vais; mais je sens que je retourne vers vous. » Sur son lit d’agonie, il eut quelques regrets du passé. « Si j'avais vécu dans la retraite, dit-1l doucement, je serais encore debout. A l’âge où je devrais être fort (il avait cinquantecinq ans) je suis frappé à mort. Le sang coule par toutes les blessures que le vieil athlète a reçues. Je ne verrai plus le printemps ! » Il ne le revit pas, en effet. Mais il est un autre renouveau, — le renouveau de l'admiration et de la reconnaissance populaires, que la mémoire de Michel de Bourges connaîtra, et celui-là, — c'est le printemps éternel.