Les serviteurs de la démocratie
296 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE
en qualité de lieutenant-colonel, il en sortit lieutenantcolonel. ;
Charras était de la race de ces généraux de la Révolution, les Hoche, les Kléber, les Marceau, qui se tenaient pour suffisamment récompensés quand ils avaient l’approbation de leur conscience.
Représentant du peuple, Charras fut à la tribune ce qu'il avait été sur les champs de bataille. Son éloquence sobre et puissante; sa perspicacité toujours active lui permirent de donner à ses coreligionnaires politiques d’utiles conseils et de nobles exemples. Il s’est placé durant les quatre années de sa vie parlementaire à la hauteur des généraux Foy et Lamarque.
Lorsque, en 1851, une occasion se présenta de rendre tout coup d’État impossible en remettant aux représentants du peuple le commandement de la force armée, Charras fit un acte qui l'honore entre tous ceux qu'il a accomplis dans sa belle carrière. Il ne craignit pas de se séparer de son parti en appuyant résolument la proposition des questeurs présentée par la droite. L’éloquence de Michel de Bourges fut plus forte ce jour-là que le patriotisme de Charras. Le grand orateur fit repousser la mesure que soutenait Charras.
Michel de Bourges entraîna la gauche avec une parole superbe, mais décevante : « Si l’Assemblée est menacée, qui viendra la défendre? demandait Charras. » —« Le peuple, séntinelle invisible! » — répliqua Michel de Bourges, dans un beau mouvement oratoire.
Malheureusement le peuple ne vint pas ou vint trop tard dans les terribles journées de décembre. L’'héroïsmé de Baudin, de Dussoubs, de Madier de Montjau, de Schœlcher, de Victor Hugo, n’empêcha pas la consommation de l'attentat qui devait nous traîner à l’empire; quant à Charras, il avait été arrêté dans la nuit du