Les serviteurs de la démocratie

80 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

modèle achevé de tendresse et d'éloquence. Le vaillant condamné à mort y fait, en termes simples, profession de déisme. Si, devant la guillotine, Danton est railleur et résolument matérialiste, Camille Desmoulins se montre croyant en Dieu. Là s'arrête la différence entre le publiciste et le tribun. Tous deux se révèlent pères de famille admirables. Aucune des verlus sociales n’était étrangère à ces hommes que M. le comte de Montalembert, admirateur de Sixte-Quint et du moyen âge, a cru pouvoir appeler des scélérals grandioses. Danton semble avoir prévu cette accusation comme si, de son vivant, il l'avait déjà entendue retentir à ses oreilles. Ne s'est-il pas écrié un jour, dans un mouyement superbe d'indignation contre la calomnie : « Qu'importe que mon nom soit flétri, pourvu que la France soit libre! »

A deux pas de l’échafaud, Camille Desmoulins, calme, résigné, mais toujours amoureux, commentait ce vers de Corneille : ;

Faisons notre devoir et laissons faire aux dieux,

N'est-ce pas tout simplement sublime? Ces hommes de la Révolution, objets de (ant de haïnes, ont pourtant fait plus que donner leur vie à la patrie, ils lui ont sacrifié volontairement jusqu’à leur renom, jusqu'à leur honneur!

Aussi, n’en déplaise au comte de Montalembert, l'histoire les a déjà vengés de ces injustes outrages, et des deux expressions du tribun catholique traitant Camille Desmoulins et Danton de scélérats grandioses, elle n’a retenu que la dernière épithète.