Les serviteurs de la démocratie

82 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

C'est une physionomie très originale que celle de Grégoire. Il était Lorrain comme Jeanne d’Arc et curé tout autrement que le curé de Meudon. Grégoire, en effet, resta pendant toute sa vie catholique sincère et même ardent. Son existence fut irréprochable. La calomnie elle-même n’osa rien dire contre cette austérité. Tout le monde louait au contraire son zèle à soulager les pauvres et à remplir les obligations de sa croyance. Il était en 1788 cilé parmi les prédicateurs éloquents du dix-huitième siècle. L’académie de Nancy avait couronné une étude très belle sortie de sa plume ct consacrée à la défense des juifs. L'abbé Grégoire, de bonne heure, eut l'amour des persécutés; il défendit tour à tour les israélites traités en ‘parias par l’ancienne monarchie, les protestants exilés ou tenus à l'index, les acteurs dont la profession élait regardée comme infâme, les noirs de nos colonies, sur qui pesait le plus dur esclavage.

Cette philanthropie valut à Grégoire dans le bas clergé une grande popularité. Aussi lors de la convocation des États généraux, fut-il envoyé à l’Assemblée nationale avec une énorme majorité. On sait que dans cette Assemblée les trois ordres au début se trouvèrent en luite. Grégoire, par ses discours et son influence décida quelques-uns de ses collègues à se réunir au tiers élat, Cette intervention fut décisive et contribua au premier triomphe de la Révolution française. Si le clergé était resté uni à la noblesse, les Étals généraux avorlaient. La séparation du bas clergé conseillé et guidé par Grégoire, ce fut le salut.