Les serviteurs de la démocratie

L'ABBÉ GRÉGOIRE 85

dressa l'inventaire de nos monuments historiques. Enfin, il écrivit en faveur de l'unité de notre langage national un mémoire où il réclamait l’anéantissement des patois. Cet infatigable travailleur est un de ceux à qui l'on doit la création de l’Institut.

Certes rien n’est plus démocratique que la conduite de l'abbé Grégoire et les opinions qu'il exprimait. Et pourtant vous l’auriez fâché si vous aviez prétendu devant lui que ces principes et ces opinions étaient en désaccord avec ses idées catholiques. Grégoire entendait rester prêtre et ne pas se séparer de son Église. Nommé évêque constitutionnel de Blois, il officiait comme prélat catholique, s’astreignant à toutes Îles pratiques recommandées par la discipline et le rituel. Lorsque la religion devint impopulaire, quand le titre de catholique devint un titre à la persécution, Grégoire n’eut recours à aucun déguisement, à aucune dissimulation. IL resta fièrement prêtre et vint présider la Convention nationale en soutane violette. Ni les supplications de ses collègues, ni lés menaces de quelques “nergumènes ne purent obtenir de lui qu'il changeât d'habit: « J'aime trop la démocratie pour lui sacrifier mai conscience, » disait-il; et il ajoutait plaisamment: « Ge n’est pas l'habit qui fait le républicain ». Au reste, ec prélat aussi austère que pratiquant, était l'indu'gence même pour autrui. M. Carnot, notre éminent ami, à raconté à ce sujet une anecdote caractéristique : « Grégoire faisait rigoureusement maigre le vendredi et le samedi; mais ces jours-là, il y avait sur sa table, lorsqu'il recevait du monde, des plats qui n'élaient pas, maigres. Îl ne faut gèner personne, disait-il évangéliquement. »