Les serviteurs de la démocratie

86 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

III

. Avec cet esprit de tolérance et cet amour de la liberté, l'évêque Grégoire devait être hostile au 18 brumaire. Bonaparte ne lai garda pas rancune de son opposition ; il fit plus, il le nomma sénateur. Grégoire n’aurait-il pas dû refuser? Il n’y eut cependant, nous devons le reconnaître, dans l'attitude de Grégoire à l'égard du premier empire, rien qui ressemblât à une flagornerie.

En 1814, au moment de la désastreuse campagne de France, le premier sénateur qui osa prononcer, au nom des intérêts supérieurs de la patrie, la déchéance de l'Empereur ce fut Grégoire. Dans une réunion sénatoriale il développa son plan d’abdication. Le général Beurnonville étonné, objecta : « Grégoire oublie de nous dire comment le sénat pourrait vivre sans tête ? » Grégoire répondit : « Voilà plus de treize ans que le sénat vit sans cœur! »

La Restauration vint rendre à Grégoire sa dignité, et sa fierté d’attitude, en faisant de lui un persécuté et un proscrit. Il fut chassé de l’évèché de Blois et condamné à l'exil comme coupable d'avoir voté la mort de Louis XVI. Cette imputation n'était pas exacte. Grégoire était loin de Paris, à Chambéry, et il refusa, malgré la pression qu’on exerça sur lui, de voter la mort du Bourbon.

Mais les partis n’ont ni équité ni respect de la vérité. Grégoire, prêtre républicain, était particulièrement odieux aux royalistes dé la Restauration. On s’acharna contre lui. Des journalistes à gages le couvrirent d’insultes et de boue. L'ancien évêque laissa passer ces