Les serviteurs de la démocratie

L'ABBÉ GRÉGOIRE 87 outrages et n'abandonna rien de ses anciennes convictions et de sa perpétuelle sérénité. Il ne prononça pas une parole de regret, n’écrivit pas un seul mot de rétractation. [l affirma, au contraire, que sa conduite. républicaine avait été ce qu’elle devait être, qu’en restant fidèle à la liberté il était resté fidèle à l'Évangile, et que si c'était à recommencer il recommencerait. Ce viril langage eut de l'écho en France. Une circonscription électorale le choisit en 1819 pour député; mais il fut exclu de la Chambre comme inéligible etindigne, c'est-à-dire comme régicide. Grégoire, fort âgé alors, supporta avec une véritable grandeur d'âme cette nouvelle injustice. Il ne se plaignit pas de sa destinée. « J'ai le bon lot et le bon droit, écrivit-il, puisqu'en ces temps pervers je suis injurié et persécuté. L’histoire me vengera. » Il s'éteignit quelques années plus tard, en 1831, toujours doux, toujours vaillant, toujours résigné.

Les obsèques de Grégoire eurent lieu dans des conditions tout à fait insolites. L'autorité ecclésiastique refusa son ministère au vieil évêque et l’accès même de l’église fut interdit. Il fallut la faire occuper par la force armée à l'Abbaye-au-Bois pour la célébration du service.

La cérémonie achevée, le corbillard s’achemina vers le cimetière Montparnasse suivi par presque tous les survivants de la Convention. Un d’entre eux, Thibaudeau, prononça devant la tombe de Grégoire cette émouvante oraison funèbre : « Grégoire, mon collègue, mon ami, mon honorable complice, tu as vécu inébranlable dans ta noble vocation, fidèle à la grande Révolution, À les anciens amis, à fa patrie. La Révolulion de juillet n’a pas donné à ta vieillesse les honneurs qui lui étaient dus. On ta laissé mourir dans