Lettres inédites de général G.-H. Dufour (1807-1810)
À Madame Fazy Dufour Metz, le 20 août 1810.
Ma Chère Tante
Il y a si longtems que je n'ai pas eu le plaisir de m'entretenir avec toi, que je saisis avec bien de l'empressement l'occasion qui se présente pour babiller un peu.
Je continue de me bien porter et de me plaire ici; nos travaux actuels sont parfaitement de mon gout, aussi puisje dire avec quelque vérité que je les comprends et que je les exécute assez bien pour que durant toute la journée je ne sois jamais seul à ma place, mais entouré de deux ou trois camarades qui viennent me consulter et qui s’en rapportent à ce que je leur dis comme si j'avais la science infuse. Cela me fait rire souvent parceque je leur réponds une chose pour une autre quand je suis fortement occupé à ce que je fais ; il semble que depuis le jour de mon avancement je ne dois plus rien ignorer ; combien je suis loin de là !
Le jour où je suis monté au poste d'où l’on ne peut plus que descendre, j'ai eu deux joies successives et assez fortes. Le matin, en revenant de la bibliothèque, je recois un compliment d'un de mes camarades qui m'annonce que j'ai monté d'un rang et que je suis passé le second. Me voilà bien content, et me disposant à vous écrire cette nouvelle le soir même, mais à la fin de nos six heures de travail, comme je rentrais dans la salle, on me remet des papiers dont j'ignorais le contenu et sans trop savoir pourquoi on me les remettait à moi plutôt qu'à tout autre, je les laisse passer dans les mains de mes camarades qui me les demandent et je m'en vais. Mais à peine sur le seuil de la porte, j'entends cinq ou six voix des Elèves de ma seclion qui me crient que
1. Entré le troisième à l'Ecole de Metz, il devint le premier au bout de quelque temps,