Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822
442 LA CRISE EUROPÉENNE ET L'EMPEREUR ALEXANDRE.
autrichienne contre le système constitutionnel. Habitué d’ailleurs à intervenir avec autorité dans toutes les grandes affaires de l’Europe, il ne pouvait prendre son parti d’être exclu cette fois des conseils où l'on débattait entre Allemands le sort de l’Allemagne, et qui, comme il le disait avec quelque raison, ne respectaient pas toujours l’œuvre du congrès de Vienne. Enfin l’ascendant que prenait l'Autriche le choquait d'autant plus qu’il était depuis longtemps, pour des motifs de nature très diverse, en mauvais rapports avec M. de Metternich. Il eût donc voulu contrarier son action, et le comte Capodistrias, après avoir visité Paris, fit un voyage à Londres pour engager lord Castlereagh à intervenir dans ce sens avec le cabinet de Saint-Pétersbourg; mais cette tentative devait nécessairement échouer. Le cabinet de Londres à cette époque prenait peu de souci des atteintes que pouvait recevoir sur le continent la cause de la liberté; il redoutait grandement l'esprit révolutionnaire, et l’union intime qui existait entre lui et l'Autriche ne pouvait que lui faire voir avec satisfaction la domination qu’elle commençait à exercer en Allemagne.
On trouve de curieux détails sur cette situation dans une lettre que le chancelier prussien, le prince de Hardenberg, écrivit à lord Castlereagh le 30 décembre 1819, après les conférences de Carlsbad, au moment où celles de Vienne allaient s'ouvrir. Après avoir félicité le ministre anglais de l'attitude noble, ferme et énergique prise par le cabinet de Londres en présence de la contagion morale qui se manifestait presque partout, disait-il, ef qui, sans des mesures sages et efficaces, ne pouvait manquer de précipiter les états civilisés dans un abîime de malheurs, le prince de Hardenberg continuait ainsi (1) :
« Vous connaissez celles que nous avons cru devoir prendre de concert avec la cour de Vienne; vous savez que les ministres des membres de la fédération sont maintenant assemblés à Vienne pour se concerter sur ce qui reste à faire, tant pour opposer une digue aux menées des révolutionnaires que pour s'arranger sur l'exécution des articles de l’acte de la fédération germanique.. — M. de Capodistrias, dont nous connaissons tous les sophismes et qui nous a donné tant de fil à retordre à Aïx-la-Chapelle, s’est mis dans la tête que nous ne visons à rien moins qu'à changer l’acte de fédération tel qu'il a été garanti par les puissances, que l’Autriche et la Prusse veulent empiéter sur la liberté et la souveraineté des petits ou moindres états de VAllemagne; il craint la diminution de l'influence russe et se plait, en puisant ses nouvelles et ses argumens dans les feuilles du parti révolutionnaire en France et dans les Pays-Bas, toutes remplies de mensonges, à tenir un langage d’improbation à l'égard des mesures prises à Carlsbad, à nourrir par-là le germe de mécontentement que l'ambition et les vues de la Bavière et du Wurtemberg n’ont cessé de conserver depuis le congrès de Vienne et à
(1) Cette lettre est en français dans l’original.