Mémoire sur la Bastille

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coup de captifs, même dévots, qui cèdent à l’envie de cette ressource, Le confesseur fait partie de l'état-major : il est officier de la maison. On peut apprécier quelle sûreté il y auroit à être sincère avec lui, si l’on avoit des reproches sérieux à se faire. Son office n’est donc qu’un piège, ou une dérision. Je ne conçois pas comment on a l’audace de proposer aux prisonniers de la Bastille d'ouvrir leur âme à un lâche prévaricateur qui prostitue ainsi la dignité de son caractère; ni comment lui-même, soudoyé par le pouvoir terrestre qui les opprime, oseroit leur parler au nom du Ciel, qui le désavoue.

Je ne puis parler de ce qui arrive quand on meurt, confessé ou non; j'ignore dans ce cas comment on se venge sur le corps de la fuite de l’âme, et dans quel dépôt on jette ces cendres immobiles, quand on est bien sûr de ne pouvoir plus les tourmenter *, Ce qui est sûr, c’est qu'on ne les rend pas à leurs familles. Certainement, depuis que la Bastille existe, elle a vu des funérailles : connoît-on un extrait mortuaire qui en soit daté, hors celui du maréchal de Biron2? Ces familles sont donc impitoyablement livrées à la confusion

1. C’est à l’église Saint-Paul, paroisse de la Bastille, que les morts étaient inscrits.

2, Sur les livres de sortie que j’ai vus, les morts sont marqués d’une croix, avec la date, à la table indicative des noms,