Mémoire sur la Bastille

170 NOTES

Au bout de huit mois, on m’accorda la correspondance du sieur Le Quesne, dont on ne cessoit de me vanter le zèle et la probité. Or, pour savoir ce que c’étoit que le sieur Le Quesne, consultez, lecteurs, l’avis qui précède le n° LXXII des Annales, lequel sera réimprimé et distribué avec ces Mémoires à la fin du n° LXXV.

26. P. 98. Qui en gémissent. — Ils en ont une double raison : d’abord, comme ils sont les seuls intermédiaires qui approchent des reclus, ils en sont nécessairement aussi les confidens; ils en reçoivent les plaintes et quelquefois les humeurs. Mal payés, traités avec dédain par les supérieurs, attendant quelques gratifications des prisonniers que le despotisme n’a pas dévoués à une captivité éternelle, ne sachant jamais si elle aboutira à l’échafaud ou au ministère, si leur commensal finira par être assassiné juridiquement, comme Lally, ou maréchal de France, comme Belle-Isle et tant d’autres, ils ne sont pas fâchés de trouver quelquefois l’occasion de montrer un peu de zèle.

L’humanité peut quelquefois aussi agir sur ces cœurs rustiques, que l’opulence n’a point endurcis. Je dois même cette justice à ceux de la Bastille de publier qu’ils en sont les seuls agens sur qui ce sentiment paroisse avoir quelque prise. Les simples soldats y sont, comme ailleurs, une meute stupide que le fouet dirige et qui ne connoissent, dans ou hors leur chenil, que la soupe et l’ordre des piqueurs. L’état-major supérieur joint à cette bassesse obéissante l'insolence et la dureté que donne l’habitude du commandement; l'état-major des porte-clefs, se trouvant entre les deux, est par cela même le seul auprès duquel la commisération puisse ayoir accès.

Mais ils ont, de plus, une forte raison de s’opposer aux retranchemens qu’opère, sur la table des prisonniers, la lésine du gouverneur, ou du moins de souhaiter qu’elle soit réprimée : c’est que la desserte leur en appartient, et l’on ne peut pas imaginer combien l’honnète M. de Launey en est jaloux. Pour peu que lui et son ministre conservent leurs places, je ne doute pas qu’il ne vienne bientôt quelque lettre signée Amelot, qui mette ordre à cet horrible désordre.