Mémoire sur la Bastille

NOTES 177

CONCLUSION

Je me lasse de tenir cette palette lugubre, quoique je sois loin de lavoir épuisée, Je n’ai dit ici que ce qui m'est arrivé à moi-même, ou ce dont j'ai pu parler sans risque de compromettre les sources auxquelles j’en ai dû la connoissance, Que seroit-ce donc si je révélois tout ce que jai appris, où par des confidences, ou par des indiscrétions, ou par la sagacité que donne à l’esprit d’un reclus l'impuissance de se distraire autrement que par ses efforts pour pénétrer les secrets qui l’entourent et qu’on veut lui cacher!

Tandis qu’on imprimoit ces Mémoires, on m'a envoyé un livre sur la même matière intitulé : Des Lettres de cachet, etc. Je suis fâché que cet ouvrage soit anonyme, parce qu’il semble par là en avoir moins d'authenticité. Il met au jour les mystères du donjon de Vincennes, comme celui-ci dévoile ceux des tours de la Bastille. On pourra les comparer : peut-être, avec le temps, aurons-nous ainsi des histoires des vingt et tant de bastilles que la France renferme, ou plutôt qui renferment la France.

Toutes justifieront la réflexion par laquelle commence ce triste tableau (voyez page 66 ci-dessus), réflexion que l’on ne peut trop souvent rappeler à un gouvernement équitable, qui n’a ni l'intérêt, ni l’intention d’être cruel,

Quel est l’objet de ce secret, de cette impénétrabilité, de cette barbarie qui caractérisent ces prétendues prisons royales ? N’est-ce pas précisément parce que tout s’y fait au nom immédiat du roi, que tout devroit y porter une empreinte plus spéciale de clémence, ou du moins de justice ? Les rigueurs n’y sont assujetties à aucune formalité préliminaire : les adoucissemens ne deyroient donc pas y être plus restreints.

Quand elles ne contiendroient, en effet, que de vrais

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