Mémoire sur la Bastille

NOTES 179

une police nouvelle; une loi ordonne que certains livres seront estampillés, c’est-à-dire marqués d’un certain signe qui devoit leur donner de certains droits. Jusque-là, tout alloit bien, au moins pour ceux à qui l’estampillage devoit valoir beaucoup d'argent.

Mais un ordre particulier enjoint au sieur de Bure d’appliquer lui-même l’estampille, de se rendre le ministre manuel, l’exécuteur de cette opération; il y alloit de la ruine infaillible de plusieurs familles de la communauté dont il est le chef: il croit sa conscience intéressée, ainsi que son honneur, à s’excuser; il offre sa démission, afin que l’emploi qui lui répugne passe sans bruit en des mains plus dociles,

On ne reçoit point sa démission; on lui répète deux fois, trois fois, l’ordre fatal : « Estampillez, ou bien... » Il persiste à se défendre, on accomplit l'alternative : on le met à la Bastille, et voilà un criminel d’Etat ï.

1. Il s'agissait d’estampiller des livres contrefaits, afin d’en autoriser la vente au profit des contrefacteurs. Guillaume de Bure ne demeura d’ailleurs que sept jours à la Bastille (du 23 au 29 janvier 1778). Un ordre signé Le Noir, du 23 janvier, lui permit dès son entrée « la lecture, l'écriture, la promenade, la messe, et tout ce qu'il est possible de permettre sans inconvénient ». Le 27, un autre ordre du mème permit « à Mme de Bure de parler à son mari, en prenant les précautions d'usage ». (Bibl. nat., msc. fr, 14060, aux dates.) Il est vrai que de Bure n’était pas coupable, qu’il défendait une cause juste, celle des libraires honnêtes; mais enfin on ne peut guère non plus le faire passer pour un martyr. Notons que la législation nouvelle à laquelle il résistait avait justément pour principal auteur Le Noir luimême. Sur toute cette affaire, voyez le chap. vis de notre État de Paris en 1789, intitulé le Parlem=nt et la Librairie.