Mémoire sur la Bastille

184 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

avant de se séparer que leurs séances continueroient à volonté, pendant la tenue de ce que l’on appeloit alors les États généraux, et que lon appelle maintenant l’Assemblée nationale. C’est à cet arrêté que la France entière doit peut-être son salut.

Nous ne perdimes point de vue les députés que nous venions de nommer: ceux-ci, de leur côté, nous instruisirent des différens conflits des trois ordres discordans et des vicissitudes de cette Assemblée, qui se perfectionnoit en se simplifiant, et devenoit insensiblement nationale.

Après un mois de discussions, de prétentions, d’oppositions, tant de la part du clergé et de la noblesse, qui faisoient cause commune, que de la part du ministère, qui ne cherchoit qu’à profiter des dissensions, nous apprenons ce qui s’étoit passé à Versailles du 17 au 23 juin. Sous prétexte d’une séance royale, la salle des États généraux, occupée par des gens armés, y avoit été scandaleusement fermée aux représentans de la nation: les députés, cherchant un asile, n’en avoient pas trouvé d’autre que dans un jeu de paume. Enfin, nous apprîmes que le pouvoir arbitraire étoit prêt à dissoudre cette auguste Assemblée. Nous sentimes dès lors que tout étoit perdu, si nous n’avions pas le courage de nous dévouer et de voler au secours de la chose publique.