Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 187

Cet avis l’emporta; et tout depuis nous a prospéré; quoique nous ayons eu bien des obstacles à surmonter. Dès lors notre correspondance fut établie sans interruption avec l’auguste Assemblée, aux décrets de laquelle nous nous empressämes d’adhérer, et surtout à la fameuse délibération du 17 juin, |

Le reste de la séance fut employé à se prémunir contre les manœuvres des ennemis du bien public. Un jeune homme, M. de Bonneville, qui s'étoit à cet égard exprimé avec beaucoup de sagesse et de maturité, s’enflammant tout à coup, et prévoyant ce qui devoit bientôt nous arriver, s’écria:« Aux armes! aux armes ! » Les uns en frémirent d’horreur, les autres lui sourirent, et l’un de nous lui répondit: « Jeune homme, il n’est pas encore temps; remettons cette motion à la quinzaine ï. »

C’est à partir de ce jour que nous commençämes à nous connoitre, et à désigner ceux à qui

1. De Bonneville (Nicolas) montra plus de hardiesse encore quand il s'agit, la Bastille tombée, d'assurer le service des subsistances par la Seine entre Paris et Rouen, Bailly lui fit délivrer un brevet de lieutenant-colonel en louant sa conduite « zélée et courageuse », mais « pas prudente ». (Bailly, Mémoires, t. Il, p. 334.) Fidèle à la Révolution, incarcéré sous la Terreur, placé par l’Empire sous la surveillance de la police, de Bonneville est mort à soixantehuit ans. Michelet n’a pas oublié ce nom (Histoire de la Révolution française, t. Il, p. 230-232).