Mémoire sur la Bastille

190 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

générale, et l’on ferma les spectacles. Les premiers qui débitèrent la nouvelle de son départ furent maltraités comme menteurs et gens malintentionnés. Le Palais-Royal se remplit de monde entre quatre et cinq heures après midi: on y accouroit de toutes parts. Deux bustes en cire, que l’on venoit de prendre chez Curtius', y furent promenés; et le peuple, à la vue de ces espèces de fantômes, se livroit à des conjectures extravagantes.

Un jeune homme, monté sur une table, y cria: «Aux armes! » tira l’épée, montra un pistolet etune cocarde verte. La foule, qui l’écoutoit, le regardoit, passoit, à son exemple, d’un silence profond à d’horribles clameurs. On s’anime, on s’excite; et les feuilles des arbres, arrachées en un instant, servirent de cocardes à plusieurs milliers d'hommes; ce fut une véritable explosion, et dont le bruit dura pendant trois jours 2.

1. Sculpteur qui montre au public diverses effigies, et surtout celles de nos contemporains, illustres ou fameux. (Dusaulx.)

2. L'Ouvrage des Six Jours, ou Lettre d'un membre du district des Feuillans à son ami, sur la Révolution de Paris (1789, pièce de 7 p.), présente tout autrement les choses. « On députe au Palais-Royal quarante ou cinquante personnes chez Me l'ambassadrice de Suède [M€ de Staël, fille de Necker]. Quatre furent introduits (sic). La nouvelle étant vraie, le premier mouvement fut d'envoyer à tous les spectacles défendre de jouer, ensuite ordre de prendre la co-