Mémoire sur la Bastille

198 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

songer !. Le marquis de La Salle fut nommé commandant en second, et nous jura sans hésiter que sa fortune et sa vie seroient toujours au service de la Commune. Il a déjà perdu lune, et cent fois risqué lautre?.

Ensuite on substitua les cocardes rouges et bleues aux cocardes vertes, et l’on motiva ce changement.

Le soir, tout étoit dans la plus grande fermentation; on ne parloit que des troupes qui devoient

1: Le duc d’Aumont avait préparé chez lui (17 avril) le soulèvement de la noblesse de Paris contre les règlements électoraux qui lui avaient été imposés par le ministère; il avait été désigné comme électeur par le cinquième département (la Ville-l’Évêque). Il était député de la noblesse de la sénéchaussée de Boulogne-sur-Mer, mais il se regardait avant tout comme citoyen noble de Paris,

2. Le marquis Adrien-Nicolas de La Salle (1735-1818) avait perdu une fortune de 600,000 livres dans une « spéculation patriotique » qu’il raconte (Bib. nat., Ln/27, n° 11590). Électeur de la noblesse (département des Célestins), il se trouva le seul de son ordre avec le duc d’Aumont, à l’Assemblée de l'Hôtel de ville, et, sur le refus prudent du duc, assuma la direction et la responsabilité des événements. C’est entre ses mains que furent déposées les clefs de la Bastille. Il s’effaça devant La Fayette, qui ne lui en sut aucun gré, et qui, après l’atroce calomnie dont il faillit être la victime (voir la quatrième anecdote, infra), ne fit rien pour lui restituer la place dont il était digne, ni un commandement quelconque. Il n’obtint qu’en 1794 la liquidation d’une pension de retraite au grade de maréchal de camp : or, il avait été colonel d'artillerie pendant la guerre de Sept ans. Il mourut fou, à Charenton. Voir, pour plus de détails, Chassin, our. cité, t. III, passim, et surtout p. 517.