Mémoire sur la Bastille

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tonneaux dont il étoit le gardien, et un coup de pistolet sur sa propre personne ; lorsque, la nuit suivante, la porte du magasin où il étoit avec ces poudres fut brisée à coups de haches, qui faisoient feu sur des clous dont elle étoit garnie; enfin, lorsqu'un homme ivre entra peu de temps après dans ce magasin, ou plutôt cette mine située sous notre salle, toujours remplie de citoyens, y entra la pipe à la bouche etfumant surles barils ouverts: l'abbé n’en put venir à bout qu’en achetant cette pipe allumée, qu’il lança dans la cour*.

Je suis entré dans ces détails pour offrir, en passant, à mes concitoyens un sujet digne de

1. Ajoutez que, dans la terrible journée du 5 octobre 1789, M. l'abbé Le Fèvre fut, à onze heures du matin, entraîné, la corde au cou, par des bacchantes ou plutôt des furies, jusqu’au haut du clocher de l'Hôtel de ville, et que, sans deux femmes courageuses, il y auroit perdu la vie.

En dernier lieu, le mardi 5 avril 1790, journée des plus critiques, escortant, dans la rue Saint-Honoré, des chariots pleins de fusils, on le prit pour un autre, et c’en étoit fait de lui, sans la garde nationale qui venoit d’arracher des mains du peuple MM, l’abbé Maury et le vicomte de Mirabeau. (Dusaulx.)

Dusaulx parle ici de l’abbé Lefebvre d'Ormesson, qui appartenait à une famille parlementaire aussi riche que considérée. Sa pendaison du 5 octobre, interrompue par une chute de vingt pieds de haut, lui laissa pour le reste de sa vie un tremblement convulsif de tous les membres. Il fut ruiné par la Révolution. L'amitié et la charité du comte de Chabrol, préfet de la Seine, adoucirent la fin de son existence.