Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 201

toute leur reconnoissance. Mais achevons la journée du lundi.

Les événemens se succédoient avec tant de rapidité qu’ils se confondoient, et que j’ai bien de la peine à les remettre en ordre. Les heures m’échappent. La voiture du prince de Lambesc, amenée sur la place, y est brûlée : on sauve sa malle, dont les effets furent rapportés sur le bureau de l’assemblée.

Un peuple nombreux et les patrouilles qui commençoient à se former continuoient à nous demander des armes; tous attendoient avec impatience l'effet des promesses, trop positives, du prévôt des marchands.

Ils apprennent que des caisses viennent d’arriver; sur l'étiquette Artillerie, on les croit pleines de fusils : elles ne l’étoient que de vieux linge, de bouts de chandelle et de morceaux de bois. Comment et par qui ces caisses sont-elles parvenues à l'Hôtel de ville? Nous l’ignorons encore.

Un cri général s’élève contre nous et contre le prévôt des marchands : « Le comité, disoient-ils, complice du bureau de la ville, trahit la cause commune; et, si nous les laissons faire, nous allons bientôt être traités comme des conjurés. » Ces soupçons furent tels qu’ils duroient encore même après la chute de la Bastille, et que plusieurs des vainqueurs de cette forteresse refusèrent de nous

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