Mémoire sur la Bastille

204 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

falloit entendre tout le monde sans égard et sans distinction. On nous annonce, et ce trait peint à merveille l’esprit du peuple, qui, dans le trouble dont il s’agit, n’avoit pas perdu l’idée de la justice ; que dis-je? il réprimoit alors ce qu’il se permettoit deux jours auparavant! ; on nous annonce un mercadin 2, vendant des cocardes et forçant les passans à les acheter, à les payer un petit écu, tandis, nous disoit-on d’un air furieux, qu’elles ne valoient pas vingt-quatre sous. Les dénonciateurs du délinquant exigent qu’il soit traité comme criminel de lèse-révoluiion. Pour les satisfaire on promit de le punir.

Le trait suivant expliquera l’autre, car les petits faits, dans les grandes circonstances, ne sont pas toujours à dédaigner. L’un de nous, traversant la place de Grève, offrit un écu à un pauvre citoyen mal armé qui l’avoit soutenu dans la foule : « Y songez-vous? lui dit-il; l’argent aujourd'hui ne sert à rien, et vous allez le voir. Qui veut cet écu? ajouta-t-il, c’est monsieur qui le donne. — Point d'argent! point d’argent! » s’écrièrent ses camarades. 1. .. Meius hostilis in bonis artibus civitatem retinebat. (BeLc. Jucur., $ 41.)

2. D’après le procès-verbal, ce mercadin, ou, pour parler correctement, ce mercadant était un garçon de treize à quatorze ans que d’autres enfants amenèrent devant le Comité et firent mettre en prison,