Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 205

Le jour baissoit : on redouta les ténèbres de la nuit, et c’est pourquoi nous ordonnâmes des illuminations. Ces signes ordinaires de l’allégresse publique, dénaturés par le contraste du silence, de la terreur ; ces clartés solitaires, car les pelotons de gens armés que l’on voyoit passer de temps en temps ne ressembloient qu’à des fantômes; ces mornes clartés ne donnoient, à ceux qui entroient dans Paris, que des idées sombres, funèbres, et ne leur indiquoient qu’un deuil universel.

Déjà l'enceinte de cette ville étoit si bien gardée qu’on n'y pouvoit entrer sans décliner son nom. A dix heures du soir, MM. Bochart de Saron, premier président du Parlement, et Le Fèvre d'Amécourt, conseiller de grand’chambre, nous furent annoncés. Tout ce qui tenoit au gouvernement que l’Assemblée nationale avoit entrepris de réformer étoit suspect au peuple.

On avoit arrêté ces deux magistrats à leur retour de Versailles, et l’on nous dit que M. d’Amécourt y avoit été désigné à la place de M. Necker; ce qui, dans cette conjoncture, n’étoit pas une trop bonne recommandation. Nous leur fimes sentir qu’ils seroient plus en sûreté partout ailleurs qu’à l'Hôtel de ville, où nous ne pouvions répondre que de notre courage et de notre patriotisme.

Plusieurs d’entre nous, quoiqu’ils eussent supporté tout le poids de cette journée laborieuse et