Mémoire sur la Bastille

208 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

cesse, il ne nous a guère été possible de prendre des notes, et que si l’un de nous, à la fin de cette journée, ne s’en étoit pas rappelé les principales circonstances, ne les avoit pas écrites sur-le-champ, une partie de ce que je publie aujourd’hui n’auroit pas été connue; MM. Moreau de Saint-Méry, le marquis de La Salle, Hulin, Élie, et tant d’autres, n’auroient pas été déjà célébrés dans l’Assemblée nationale2.

Pendant la nuit du 13, et ce fut à peu près le seul incident, l'hôtel de la polices avoit été forcé par une troupe de citoyens armés et munis de flambeaux, ce qui jeta l'alarme partout où ils passèrent. Chacun, barricadant ses portes, les regardoit par les fenêtres, et nul n’osoit sortir. Ces hommes, inquiets et mécontens, ne jugeoient de M. de Crosne que comme on jugeoit alors de la plupart de ses prédécesseurs 4 et des autres ministres du pou-

1. Avec les gardes-françaises Élie et Hulin, les vainqueurs entrés incontestablement les premiers à la Bastille sont Thiryon, Rousselot, Aubin Bonnemère et Maillard ; puis le Franc-Comtois Arné ou Erné.

2. Le 6 février 1790, à la séance du soir, (Dusaulx.)

3. Rue des Capucines. Voyez A. Babeau, Paris en 1789 (Firmin-Didot, 1889), p. 426.

4. Allusion à Sartines et à Lenoir, dont l'esprit, malgré le caractère faible et modéré de Thiroux de Crosne, continuait à gouverner la police parisienne. De Crosne ne tarda pas du reste à s'enfuir avec la caisse, abandonnant ses biens-fonds, dont la valeur était plus qu'équivalente.