Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 223

Je connoissois M. de Launey; j’avois défendu M. de Flesselles dans le comité permanent. Lorsque le bruit de toutes ces morts violentes vint frapper nos oreilles, je chancelai, mes yeux s’éblouirent, et je fus en un instant couvert de taches livides.

Je ne sais ce que je serois devenu sans M. de Castillon’; ce digne électeur me tira de l'Hôtel de ville, où, n’ayant plus ni force ni ressort, je risquois, au déclin du jour, d’être écrasé par la foule qui continuoit à s’y porter.

Avant d’en sortir, j’avois été frappé.de la prodigieuse activité de M. de Lapoize, notre collègue2. Quoique ce brave et bon patriote ait tout fait pour sauver les prisonniers amenés dans notre salle, deux canonniers en furent arrachés et pendus sur-le-champ à la branche de fer qui soutient le réverbère en face de l'Hôtel de ville; et c’estice que l’on a depuis appelé la lanterne, où des bour-

muse les Parisiens avec des cocardes et des promesses; tenez bon jusqu’au soir, et vous aurez du renfort », il est certain que sa conduite ne pouvait avoir d’autre but que d’empêcher la prise de la Bastille : d’autant plus coupable qu’il m’attirait pas la fureur du peuple sur sa seule tête, mais sur celle des membres du Comité permanent, et de tous les électeurs, qu’il ne cessa de compromettre et qui perdirent presque toute popularité, dès que la Bastille eut succombé.

1. Avocat.

2. Architecte, électeur du district Saint-Jacques-de-l’H6pital .