Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

PAYS-BAS 3

ma mère, et de suite je pris connaissance de leurs affaires, résolu, avec leur agrément, de me mettre à la tète de leur commerce, et de faire tout ce qui dépendrait de moi pour améliorer leur situation et adoucir leur existence. Je voulais enfin les mettre dans un état à ne plus avoir besoin de mon frère aîné, ni de moi-même dans le cas où je viendrais par la suite à m’établir. Mes bons vieux parents furent si contents de mes promesses et si convaincus de mes sentiments, qu’ils en versèrent des larmes de joie. Mes autres frères et sœurs applaudirent également à mes intentions. Un an était bientôt écoulé que j'avais fait de grands progrès dans mon état et dans le commerce de mon père. J’étais parvenu à gagner l’estime générale des honnêtes habitants d'Arras, lieu de ma naissance, en avril 1761 !. Je me conduisais politiquement avec l'aîné de mes frères, dont la vie continuellement déréglée contrastait singulièrement avec celle que je menais. L’eau-de-vie lui sortait par les yeux ; on eüt dit qu'il en avait bu assez pour faire tourner la roue d’un moulin. J'avais souvent eu à combattre la brutalité de ce frère ; il me fallut encore mesurer ses forces et nous boxer ; mais, quoique plus jeune de quaiorze années, je lui donnai une telle correction qu'il ne lui prit plus envie de revenir à la charge. J'étais alors très vigoureux, sachant tirer des armes. et taillé de manière à ne point le redouter en rien. Tout fut ensuite pour le mieux du monde. Je ne m'occupai plus que de mon état, et je continuai à augmenter le gain et l’abondance dans la maison.

Le moment vint enfin où l’on forma des bataillons de volontaires. Voyant qu’il n’avait rien à gagner avec moi

* Sa nomination de baron donne le 30 avril, mais son acte de baptème donne le 29 mars. (V. note À des pièces justificatives).