Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

et

l'Etre suprême. » Et Naigeon se sentait vaincu , et lui aussi pouvait dire :

Dieu des Juifs , tu l’emportes !

Cependant, s’il ne triomphait pas, il ne se rendait pas non plus, loin de là, et, soit chez ses amis, soit ailleurs, et dans l'Institut même, quand il en avait l’occasion, il persistait dans ses efforts pour répandre et propager sa foi. Il faut même que cette passion, à force d’obstination, et détroit entètement , touchât au ridicule, pour que Chénier , qui n'était pourtant pas un fanatique, fit ces vers contre Naigeon et La Haïpe à la fois :

Or, connaissez-vous en France , Certain couple sauvergeon , Prisant peu la tolérance , Messieurs La Harpe et Naigeon ?

Entr'eux il s'élève un schisme : L'un étant grave docteur ,

Ferré sur le catéchisme ;

L'autre athée, inquisiteur.

Tout deux braillent comme pies : Déistes ne sont leurs saints.

La Harpe les nomme impies . Naigeon les dit capucins.

A ces oracles suprêmes ,

Bonnes gens , soyez soumis

Nul n'aura d'esprit qu'eux-mêmes : Ils n’ont pas d’autres amis.

Leur éloquence modeste Amollit les cœurs de fer ; La Harpe a le feu céleste , . Et Naigeon le feu d'enfer.

dE