Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre
D2 PEUPLE, ÉVEILLE-TOI !
Or, Cormery n’exerça qu'à partir de 1776 etil mourut du 17 au 18 février 1794. D'autre part, ainsi que nous l'avons dit dans l'Art Musical du 21 décembre 1893 (Un instrument disparu), la nature du métal de l'instrument ne permettant pas de supposer qu'il avait été construit un siècle plus tôt, par un autre facteur du même nom ou que Cormery ait indûment appliqué son poinçon sur un instrument ancien non marqué, il n’était pas douteux que nous étions en présence d’un des instruments construits, comme il à été dit page 4, pour la translation de Voltaire, en 1791. Mais est-ce la fuba ou le buccin?
Dans les gravures du temps qui, par leur dissemblance, nous sont suspectes au point de vue de la fidélité, nous avons vu des groupes de musiciens vêtus à la romaine, portant, le pavillon en l'air, des instruments de diverses formes. Les uns sont droits, les autres sont recourbés en quart de cercle, quelques-uns sont demi-circulaires avec une traverse reposant sur l'épaule de l’exécutant; aucun n’est exactement semblable à celui de M. de Bricqueville. Tout en se rapprochant de ces derniers, il en diffère par l'absence de traverse, remplacée par trois anneaux dans lesquels passait le cordon qui le suspendait au col ou sur l’épaule. IL est difficile, conséquemment, de se prononcer, les dessins pouvant être imparfaits et l'instrument ayant pu être modifié, transformé ou mutilé par la suite. D'ailleurs, d’autres points sont encore dans l'ombre. L'instrument de M. de Bricqueville donne tous les sons harmoniques dont est susceptible tout Corps sonore, tandis que dans les parties de tuba et de buccin des morceaux que nous publions, il n’y a que la tonique et la dominante de notées. Diverses questions se posent de ce fait. Ces instruments ne pouvaient-ils produire d’autres sons? Est-ce à dessein que les compositeurs ont négligé les autres? Pourquoi se sont-ils privés de toutes les ressources qu'ils offraient? Y avait-il donc difficulté pour les exécutants ? Les renseignements que nous avons recueillis sont loin de nous aider à-résoudre ces problèmes. « La fuba corva, écrivait Choron en 1812, affecte à peu près la structure et le diapason du trombone basse et le buccin, celle du trombone ténor; ils ont, l’un et l’autre, une force de son prodigieuse. » Ce rapport de diapason existait-il à toutes les positions ou seulement à une seule ? Quelle que soit l'obscurité où l’on se trouve à cet égard, nous restons persuadé que l'instrument dont il s’agit, a bien l’origine que nous avons présumée, ne serait-ce que par la simple raison que l’on ne peut lui en assigner une autre plus certaine.
Comme style, le chœur de Gossec ne s’écarte pas des bannes formes classiques ; son allure est martiale et en conséquence, il est énergiquement TY thmé.
Ge fut un des morceaux les plus réentendus sous la Révolution. Deux mois après la translation de Voltaire, il fit partie du programme de la fête de la proclamation de la Constitution (18 septembre 1791) avec ce titre &« Ode française » et on le chanta à la Convention, le 26 messidor an II (4 juillet 1795), à l'occasion de l'anniversaire de la prise de la Bastille ; cette fois, 1l fut simplement désigné : « chœur, paroles de Voltaire, musique de Gossec ».
On le voit, cette composition n'a jamais eu de titre défini. Lors du centenaire de la proclamation de la République, le 22 septembre 1892, un fonctionnaire assurément plus versé en administration qu'en histoire, voulut lui en donner un, ct, s'inspirant sans aucun doute des premiers mots du chœur : «Peuple, éveille-toi.… », 1l dénomma l’arrangement qui devait être exécuté : le Réveil du Peuple.
Et ce ütre figura sur les programmes officiels, les affiches et sur les Journaux, sans que quelqu'un fit observer qu'il appartenait à une chanson de J. M. Souriguères, musique de P. Gaveaux (parue en janvier 1799), dirigée contre les terroristes, et qui causa des troubles sérieux sous la Révolution.
Nous n'’essaierons pas de trouver une dénomination pour remplacer celles par trop vagues que ce chœur a reçues jusqu'ici mal à propos, nous mettrons simplement en tête de la partition de Gossec que nous publions ici d’après l’original appartenant au Conservatoire, les premiers mots de Voltaire : Peuple, éveille-toi !
PLEMET
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