Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales
DE L'AVÉNEMENT DU ROI LOUIS A LA BATAILLE D'IÉNA. 1x
insinuant que l’empereur voyait dans la forme de gouvernement adoptée par la Hollande un caractère d’instabilité auquel il convenait de remédier (1). Peu après, il apprenait que l’intention de Napoléon était d'établir en Hollande une monarchie héréditaire avec son frère, le prince Louis, comme roi.
Si docile que Schimmelpenninck se fût montré jusqu'ici au système politique de Napoléon, il ne l'était pas au point de voir sans regret un étranger à la tête de son pays. Il connaissait d’ailleurs la répulsion des Hollandais pour la forme monarchique. Après avoir hésité un moment à consulter la nation, il résolut d'envoyer à Paris une commission de notables chargée d’insister auprès de l’empereur pour le détourner d’un dessein si contraire aux inclinations du pays (2). Napoléon refusa de modifier sa détermination (3). En dépit des traités (4) par lesquels la république française avait reconnu l'indépendance de la république batave et s'était déclarée son alliée, il voyait dans la Hollande un peuple soumis par les armes de la France, et, d’après des idées professées encore aujourd’hui par certains hommes d’État, il jugeait que la victoire donnait tous les droits sur les peuples vaincus. Les négociations traînant en longueur,
(1) La lettre de Talleyrand est du 6 février 1806. Un mois aprés, le 8 mars, Napoléon écrivait à son frère Joseph : « Il serait possible que je fisse Louis roi de Hollande. » (Corresp. de Nap. I®, t. XII, n° 9944.)
(2) Cette commission se composait de l'amiral Ver Huell, de MM. Gogel, ministre des finances, Seex, conseiller d'État, van Styrum, membre du corps législatif. Arrivée à Paris, elle devait s’adjoindre M. Brantzen, ambassadeur de Hollande. L'âge avancé de celui-ci et les sentiments personnels de l'amiral Ver Huell pour Napoléon ne permettaient guère d'attendre d'opposition que de la part des trois autres délégués, lesquels appartenaient au parti patriote.
(3) La seule concession qu'il voulut faire, et qui est assez singulière pour mériter d’être notée, fut de proposer pour son frère le titre de stathouder au lieu du titre de roi. Voir, à la fin de ce volume, Annexe n° 2, une lettre de Napoléon à Talleyrand en date du 14 mars 1806.
(4) Voy. le traité de la Haye du 27 floréal an III (16 mai 1795), Annexe n° 1.